Lom Pangar, le barrage qui va doper le potentiel hydraulique du Cameroun

 

Plus important projet énergétique du pays, l’édifice est emblématique de l’ambition de Yaoundé de devenir un exportateur d’électricité dans la région.

 

En plein cœur de la forêt équatoriale, un colosse d’acier et de béton surgit au bout de la route, à 90 km au nord de la ville de Bertoua et à près de 400 km à l’est de Yaoundé, capitale du Cameroun. Le barrage de Lom Pangar devrait être inauguré début 2017. Pour l’heure, des dizaines d’ouvriers camerounais et chinois coulent la dernière dalle de ce monstre, le plus important projet énergétique du pays.

Cet ouvrage régulera le débit du fleuve Sanaga, affecté par des fluctuations saisonnières, à 1 000 mètres cubes par seconde. « Nous pourrons alors construire une demi-douzaine de barrages en aval, assure Théodore Nsangou, directeur de l’Electricity Development Corporation (EDC), la société publique chargée du projet. Le tout nous permettra, dans les années à venir, de disposer d’une puissance de 6 000 mégawatts (MW), capable de couvrir 70 % des besoins en énergie du Cameroun. » D’après les derniers chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, l’hydraulique ne représentait, en 2014, que 5,7 % de la consommation intérieure d’énergie, contre 22,5 % pour le pétrole et 64,4 % pour le bois.

Electrification progressive

D’autres projets hydroélectriques sont en gestation. Pour celui de Nachtigal (420 MW), dans lequel EDF a investi, les travaux préparatoires viennent de commencer sur le même fleuve Sanaga, mais à 65 km de Yaoundé. Le barrage de Lom Pangar stockera l’eau du Sanaga pendant la saison des pluies et la relâchera pendant la saison sèche, ce qui devrait augmenter la capacité hydroélectrique du fleuve d’environ 40 % par an. Selon la Banque mondiale, le potentiel hydroélectrique du Cameroun – le troisième plus important d’Afrique subsaharienne après celui de la République démocratique du Congo et de l’Ethiopie – s’élève au total à 12 000 MW.

aval lom pangar

Lorsque Lom Pangar fonctionnera à plein, le Cameroun sera en mesure d’exporter ses surplus d’électricité à ses voisins, dont le Nigeria, le Tchad et, à plus long terme, la République centrafricaine et le Gabon. Surtout, Lom Pangar devrait permettre le développement de l’est du Cameroun. « Dans un premier temps, nous électrifierons près de 150 villages alentour, avance Théodore Nsangou. Nous prévoyons d’atteindre un taux d’électrification national de 55 % en 2022. » Actuellement, moins de 14 % des Camerounais en zones rurales et 57 % des citadins ont accès à l’électricité, souvent avec des coupures.

Des maisons en dur

Lancés en 2012, les travaux du barrage ont été réalisés par l’EDC et la société chinoise China International Water & Electric Corporation (CWE). Les 700 ouvriers camerounais et les 400 chinois communiquent entre eux dans un jargon inventé sur le chantier et baptisé « camfranchinois », qui mêle le français local et le mandarin.

 

Le barrage a créé une retenue d’eau de 540 kilomètres carrés et 6 milliards de mètres cubes qui ont inondé une partie de l’immense forêt du département de Lom-et-Djérem. Afin de compenser la perte d’habitat des gorilles et des chimpanzés, la zone a été classée parc naturel et la chasse y est désormais proscrite. Surtout, 1 500 habitants de la région ont dû être déplacés et relogés dans des villages alentour.

Les ingénieurs ont construit leur hébergement provisoire là où se trouvait auparavant le village de Lom Pangar, qui a donné son nom à l’ouvrage. Ses 58 familles ont été déplacées 20 km plus loin, dans un nouveau village reproduisant l’original rasé. « Nous avons respecté l’emplacement des familles afin de ne pas causer de problèmes de voisinage, indique Alphonse Emadak, directeur de l’environnement et des communications de l’EDC. Chaque famille s’est vu attribuer une maison en brique, plus confortable que leurs anciennes habitations de terre et de chaume. « Nous avons aussi construit une école, un dispensaire, une mosquée et une église afin que tout le monde se sente intégré et respecté », ajoute M. Emadak. Le tout a coûté 2 millions d’euros à l’EDC. « Au départ, les gens n’étaient pas très contents de quitter leur maison, confie Dodo Faroukou, le chef du village. Mais quand nous avons vu que nous laissions nos nattes pour des matelas pour des maisons en dur, allait-on pleurer ? Nous sommes mieux ici, tout en étant tristes d’avoir laissé le lieu où sont les tombes de nos ancêtres. »

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